Ce document est une liste de 101 brèves légendes dont 71 sont
applicables aux Papes qui ont précédé Grégoire XIV (1590) et 37 à
ses successeurs. Saint Malachie, auquel on l’attribue, n'est pas le
« petit prophète » du même nom, mais un moine irlandais, archevêque
d'Armagh, qui mourut en 1149 et fut canonise par Clément IV. Sa «
prophétie » daterait du pontificat de Célestin II, qui fut élu en
1143. Mais il importe de noter qu'elle ne fut publiée qu'en 1590 et
qu'on a aucune donnée ni sur le manuscrit primitif ni sur la
bibliothèque où il aurait été déposé.
Cette absence de toute indication antérieure à 1590 est déjà un
préjugé contre l'authenticité du document. Et cette impression
défavorable se renforce singulièrement à constater le contraste
frappant entre l'étonnante précision des légendes qui concernent
les Papes antérieurs à 1590 et le vague des devises
subséquentes.
Les premières légendes, celles qui s'appliquent aux Papes
antérieurs à la publication du document (1590) sont d'une clarté
parfaite et se rapportent à des réalités très concrètes nom,
prénom, lieu d'origine, détails des armoiries. C'est ainsi, par
exemple, que Anastase IV, dont le nom de famille était Suburra, a
pour devise Abbat Suburranus ; Grégoire XII, qui fut évêque de
Nègrepont, est désigné par ces mots : le pilote de Nègrepont ;
Caliste III, qui avait un bœuf dans ses armoiries, a pour légende :
Un bœuf puissant.
Par contre, à partir de 1590, les devises assignées aux Papes sont
presque toutes ou des jeux de mots obscurs ou des énigmes
indéchiffrables ou des sentences d'ordre moral si imprécises qu'il
ne sera jamais malaisé de leur trouver un accomplissement dans
quelque pontificat que ce soit. C’est ainsi qu'à tout Pape peut
convenir la devise attribuée à Pie X : Ignis ardens (feu ardent) et
qu'on trouvera jusqu'à la fin sur le siège de Pierre et dans
l'Eglise de quoi vérifier la Fides intrepida (foi intrépide).
Reconnaissons cependant en toute loyauté que, parmi les devises
postérieures à 1590, quelques-unes (très peu, du reste), ont paru
admirablement confirmées par les événements. Peregrinus
apostolicus, disait de Pie VI la prophétie or ses nombreux exils,
son enlèvement à Savone, sa mort à Valence font bien de lui un
pèlerin apostolique. Et Aquila rapax : l'aigle ravisseur, n'est-ce
pas une légende merveilleusement appropriée à Pie VII, qui fut
enlevé de Rome par Napoléon I« dont l'emblème héraldique était
l'aigle?
Ce sont ces coïncidences remarquables qui assurent encore du crédit
dans certains milieux catholiques à la « prophétie de saint
Malachie ». Mais elles sont trop rares pour neutraliser
l'impression défavorable que laisse l'étude loyale du document
entier et c'est pourquoi des autorités historiques comme les Grands
Bollandistes, les Pères Jésuites des Etudes, Mgr Battandier, se
sont nettement prononcés contre son authenticité.
Voici les légendes que la « prophétie » assigne aux huit Papes qui
doivent succéder à Pie X jusqu'à la fin du monde :
Religio depopulata : la chrétienté dévastée.
Fides intrepida : la foi intrépide.
Pastor angelicus : le pasteur angélique.
Pester et nauta : pasteur et pilote.
Flos florum : fleur des fleurs.
De mediedate lutue : de la moitié de la lune
De labore solis : de l'épreuve du soleil.
De gloria olivae : de la gloire de l'olivier.
On remarquera combien quelques-unes de ces devises sont obscures,
combien les autres sont générales et susceptibles de multiples
interprétations.
Il nous souvient que pendant le Conclave où Pie X fut élu, on se
demandait à qui pouvait s'appliquer la devise : Ignis ardens qui
devait être, d'après la prophétie, celle du futur Pape. Et l'on en
indiquait quatre dans le Sacré Collège : le cardinal Gotti, qui a
dans ses armes une torche ardente ; le cardinal Svampa, dont le nom
signifie flamme dans la langue poétique italienne et qui avait dans
ses armes un soleil d'or ; le cardinal Oroglia, qui avait dans ses
armes un autel où brille le feu du sacrifice ; enfin le cardinal
Serafino Vannutelli, les séraphins étant des esprits de feu. On
n'avait pas pensé au cardinal Saito ; ce fut cependant lui qui fut
élu et il a réalisé magnifiquement la devise, mais dans un autre
sens. La légende suivante religio depopulata, n'offre pas de base
plus sûre aux prévisions des augures, car il est évident que l'état
présent de l'Europe justifiera son application à l'élu du Conclave,
quel qu'il soit.
* Image représentant le Pape Eugène III (Bernardo Paganelli di
Montemagno), pape de 1145 à 1153
Sources
Prophétie et 2012 - 29 août 1914 - Anonymous -
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