On parle tellement du royaume de Dahomey, depuis quelque temps, que nous manquerions à notre tâche en ne donnant pas à nos lecteurs quelques extraits de ce qui a été publié sur cette curieuse contrée.
Il n'est personne qui n'ait entendu parler de ce singulier pays, dont le roi, potentat sanguinaire, a pour garde d'honneur plus de deux mille amazones, et qui se plaît à faire décapiter en sa présence, des centaines d'esclaves, soit qu'il veuille, par ces sacrifices humains, honorer les cendres de ses ancêtres, soit qu'il désire fêter la venue d'un Européen jusqu'à Àbomey, sa capitale.
Voici, d'abord, quelques extraits d'une intéressante relation publiée par le Figaro et due à la plume de M. Lartigue, un voyageur français, détenu pendant deux mois à Abomey par le roi Gléglé, le sanguinaire prédécesseur de Behanzin :
« 15 juillet. — On vient nous prévenir qu'il faut monter en hamac pour aller, nous poster sur la route d'Abomey, afin d'y attendre le passage du roi. » Après avoir sacrifié une cinquantaine de prisonniers, le roi est sorti de son palais de Cannot. Son départ est annoncé par un grand feu de mousqueterie. Immédiatement a commencé le défilé de tous, les cabacères, chacun suivant son grade, les grades inférieurs venant en tête.
» A 5 h. 35, nous arrivons devant la résidence de l'ancien roi Amadou, situé à mi-chemin d'Abomey. Le roi doit y passer la nuit. On m'a fait asseoir pour voir passer le cortège. Quelques minutes après, Sa Majesté est arrivée avec ses cabacères et ses femmes.
» A l'époque où eurent lieu les premières cérémonies sauvages en l'honneur du roi défunt, S. M. Gléglé, roi actuel, fatigué de tuer selon les usages du pays et de ne tuer que des nègres, imagina d'offrir des blancs à son père et de les tuer à la manière des blancs.
»A cet effet, il prit quatre nègres parmi les prisonniers, les fit habiller à l'européenne, leur donna un personnel de domestiques et les fit promener en hamac par toute la ville, annonçant à son peuple, par des crieurs, qu'il lui était arrivé quelques blancs et qu'il allait les envoyer à son père.
» Cette comédie burlesque terminée, on pendit deux nègres devant la porte du palais. Les deux autres furent graciés et reçurent du roi plusieurs femmes en cadeau, afin de propager leur race, pour que Sa Majesté pût puiser parmi les rejetons de ces blancs improvisés, lorsqu'il lui plaira de donner le spectacle de la pendaison d'un blanc !
« Le lendemain 16, on a amené quatre nouveaux prisonniers qui furent tués avec le même cérémonial que pour le précédent. Cette première partie du programme terminée, le roi s'est tenu debout sur un tabouret, a revêtu ses armes de guerre et a prononcé un long discours belliqueux, qu'il a terminé en demandant au peuple s'il était prêt à le suivre partout où il était décidé à porter la guerre. Il est impossible de rendre l'enthousiasme qui accueillit les dernières paroles du roi. De tous côtés partaient des cris de guerre, des protestations de dévouement.
» Puis, on a continué à massacrer les prisonniers de la veille et ceux d'aujourd'hui. Après la cérémonie sanglante, le roi est venu sur la place et s'est avancé au-devant d'un vieillard qui était assis sur un tabouret, faisant face à l'estrade royale. Ce vieillard est le grand-prêtre des fétiches de Sa Majesté, il jouit d'une grande considération. Le roi Gléglé s'est agenouillé, toute son escorte l'a imité et a battu des mains en signe d'hommage.
» Ces cérémonies vont encore durer un mois, pendant lequel on tuera tous les jours. Le roi partira ensuite en guerre avec tout son peuple pour se procurer des prisonniers et recommencer au mois d'octobre les mêmes cérémonies, durant lesquelles sept ou huit cents têtes de prisonniers sont abattues.
Sources
- Les sacrifices humains au Dahomey, Journal du dimanche, 27 décembre 1892
Histoire - 18 octobre 2020 - Wakonda -